Politique mondiale

Déclaration inédite de Jack LANG, alors ministre de l'Education Nationale, sur l'injustice subie par les Sourds du fait de l'interdiction de la LSF

Publié le 14 septembre 2014

Vie-publique.fr - Collection des discours publics

Déclaration de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, sur l'apprentissage de la langue des signes par les enfants sourds, Paris le 13 février 2002. (2002-02-13)

LANG Jack
FRANCE. Ministre de l'éducation nationale

Madame la Ministre,
Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,
Chers enfants,
C'est avec un immense plaisir que nous vous recevons aujourd'hui pour évoquer la langue des signes française. Nous sommes ensemble pour ouvrir des perspectives. Nous souhaitons ainsi réparer symboliquement une injustice ancienne. Pour cela, une brève évocation de ce passé compliqué est nécessaire.

Une histoire douloureuse :

On a caricaturé la langue des signes. Elle a été frappée d'interdiction, il y a plus d'un siècle maintenant, au Congrès de Milan. Elle a été ensuite plus ou moins tolérée, avec condescendance. Les parents et les associations qui choisissaient ce mode de communication ont dû forcer le trait. Les positions se sont figées: les excès des zélateurs et des contempteurs ont empêché tout progrès raisonnable.
La caricature reposait sur deux jugements à l'emporte pièce :
- seuls les sourds apprennent la langue des signes : elle n'est donc pas un facteur d'intégration à la communauté nationale ;
- Ce n'est pas une langue ! elle n'a pas d'écriture, pas de littérature, elle n'est l'expression d'aucune culture.
A la fin du XIXème siècle, on insinuait plus sournoisement que ce mode d'expression gestuelle était dangereux, sensuel peut-être, immoral sans doute.
Tous les enfants sourds devaient donc apprendre à parler, que leurs parents l'aient ou non choisi. Ils devenaient ainsi, très souvent, victimes des excès, voire de la violence de leurs éducateurs.
Au fil du temps, les passions se sont apaisées. Les positions se sont précisées et approfondies. De nouvelles techniques et de nouvelles aides sont apparues, tant pour l'acquisition du français que pour la langue des signes. Nous y reviendrons.

Un débat apaisé :

Le droit à l'usage de la langue des signes française est reconnu par l'article 33 de la loi du 18 janvier 1991 portant diverses mesures d'ordre social. Cet article définit clairement ce que recouvre la notion de bilinguisme dont on ne perçoit pas toujours toutes les implications. C'est la raison pour laquelle, le terme a été utilement précisé par un décret de 1992 et par une décision du Conseil d'Etat de 1994.
Chaque famille a donc le droit de choisir le mode d'éducation de son enfant sourd : soit le français (oral et écrit) soit la langue des signes associée au français écrit et oral. Tels sont les principes.
Soyons clair : toute définition du bilinguisme qui éliminerait la référence théorique au français oral nous replongerait immédiatement dans les impasses anciennes.

L'importance du français :

Avant de vous présenter concrètement la démarche que nous avons adoptée pour la langue des signes, je souhaite également saluer et rendre hommage aux parents et aux associations qui font prioritairement le choix de l'acquisition du français oral et écrit. Ils ont administré la preuve qu'une éducation bien adaptée, assortie de toutes les aides thérapeutiques nécessaires, permettait à de jeunes enfants sourds d'acquérir une langue orale de qualité. L'invention du langage parlé-complété (L.P.C) qui donne une efficacité extrême à la lecture labiale, permet une réception visuelle précise et naturelle de la langue française parlée. Cette dernière est ainsi totalement accessible au jeune sourd.
Les choix éducatifs s'opèrent donc dorénavant sur des bases solides.

Le développement de la langue des signes :

Les raisons qui plaident pour le développement de la langue des signes française sont aujourd'hui de trois ordres.
- une légitimité éducative. Il s'agit de répondre aux besoins de communication de très jeunes enfants, sourds sévères pour la plupart.
- une légitimité pédagogique. Il convient d'organiser, tout au long de la scolarité, un enseignement en langue des signes ou une reprise partielle, en langue des signes, des cours traditionnels. Il faut aussi intégrer des épreuves en langue des signes dans les diplômes nationaux. On doit enfin envisager un diplôme spécifique de compétences sur le modèle des diplômes de langues étrangères.
- une légitimité culturelle. Donnons acte aux sourds et à la communauté nationale de la dimension esthétique de cette langue !
Depuis de nombreuses années le théâtre, puis le cinéma, ont permis au grand public de découvrir cette langue gestuelle, d'une précision extrême, et qui recèle une puissance plastique indéniable.

Que proposons-nous ?

J'ai demandé que l'on réalise un " référentiel " de compétences des élèves en langue des signes. Ce sera le préalable indispensable à l'élaboration d'un diplôme pour les professionnels qui l'enseignent.
Cet outil permettra de mesurer les progrès de ce savoir-faire dans les situations les plus diverses : communiquer sur des sujets familiers ou dans la vie quotidienne, s'exprimer sur des sujets élevés, émettre des opinions etc.
On aura garde d'oublier que la langue des signes n'a pas d'écriture. Cela impose d'importantes adaptations.

Ce faisant, une langue des signes de qualité (et il nous faut garantir une qualité qui n'est pas aujourd'hui assurée partout) permet, par exemple, l'accès aux énoncés les plus abstraits de la philosophie ou des sciences. Il n'y a pas de limite à son emploi.

Un groupe de travail a été constitué, animé par Madame Christiane FOURNIER, dont les compétences en ce domaine sont unanimement reconnues, et par Monsieur Bernard CERQUIGLINI, président de l'Observatoire de la lecture et vice-président du Conseil supérieur de la langue française. Je les remercie chaleureusement pour leur aide.

Pour donner une assise incontestable à ce travail, nous avons choisi le cadre de références pour les langues conçu par le Conseil de l'Europe. Le " Centre international d'études pédagogiques " de Sèvres nous a aider à inscrire la langue des signes française dans le porte-folio européen des langues.

Je donne la parole quelques instants à Madame Christine TAGLIANTE, du CIEP de Sèvres, pour qu'elle nous présente ce cadre européen de référence pour les langues vivantes. Nous demanderons ensuite à Madame Christiane FOURNIER, professeur honoraire au Centre national d'études et de formation pour l'enfance inadaptée de Suresnes, de nous présenter l'outil pédagogique et sa prochaine expérimentation auprès d'un millier d'élèves sourds.

L'expérimentation conduite auprès d'un millier d'élèves fera l'objet d'une étude attentive. Une prochaine circulaire pédagogique permettra de présenter et de développer toutes les options pour l'éducation des jeunes sourds. La langue des signes, le langage parlé complété et les autres techniques de communication seront évoquées dans un nouveau soucis d'équilibre.

La science pédagogique est aride. La langue des signes a tout à gagner de ce surcroît de rigueur. Mais c'est aussi une langue singulière, belle, émouvante, unique dans sa forme et ses principes.

Nous avons demandé à l'International Visual Théâtre et à Emmanuelle LABORIT de nous offrir un moment de spectacle pour illustrer cette dimension esthétique.

Je la remercie, et avec elle les trois acteurs qui l'accompagnent, de nous donner, en avant première, un extrait de " Pour un oui, pour un non " de Nathalie SARRAUTE.

Source : www.education.gouv.fr, le 22 février 2002.


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